LE SYSTEME DE SANTE MANQUE DE MOYENS

CGT, FO, FSU, Solidaires, FGR, LSR, Ensembles

 

Paris, le 9 novembre 2020

 

Lettre aux députés, sénateurs et groupes parlementaires

Madame, Monsieur,

Nous venons de prendre connaissance du projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale 2021 et nous constatons que la santé n’est toujours pas une priorité malgré les apparences.

Face à la crise sanitaire historique que nous connaissons, on pouvait légitimement attendre que ce PLFSS engage une véritable stratégie de rupture, à la mesure des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés, et conformément aux engagements pris le 12 mars 2020 par le Président de la République lors de son « adresse aux Français ».

Mais, sans grande surprise, nous sommes une fois de plus devant un PLFSS qui s'inscrit dans la continuité des politiques menées depuis de nombreuses années qui ont conduit à la catastrophe sanitaire que nous connaissons avec, pour conséquence, une crise économique et sociale désastreuse pour l'ensemble de la population.

Comme l'écrivait le Haut Conseil pour l'avenir de l’assurance-maladie dans un rapport et un avis adoptés en juin dernier : « La crise sanitaire actuelle a montré les limites des dispositifs d'anticipation des situations exceptionnelles en France. [...]. Il paraît certes difficile de prévoir tous les scénarios catastrophes, mais le scénario dans lequel nous sommes était, lui, prévisible et d'ailleurs prévu. »

Ce PLFSS s'inscrit dans une politique libérale où le système de Sécurité sociale n'a plus pour objectif de répondre aux besoins de tous. Il pose toutes les fondations d'un système à l'Anglo-saxonne géré et financé par l'État, qui octroie un minimum pour les plus précaires et qui pousse la grande majorité vers le système assurantiel et la capitalisation.

Pour l'essentiel, on continue en effet comme avant : le PLFSS prévoit ainsi de réaliser 4 milliards d’euros d'économies, dénommées mesures de régulation. Ces mesures d'austérité sont formulées exactement dans les mêmes termes que dans tous les PLFSS précédents depuis de nombreuses années : structuration de l'offre de soins, pertinence et qualité des soins en ville, amélioration de la performance interne des établissements de santé...

Quant aux mesures concernant le médicament, aucune régulation du marché n'est prévue et l'industrie pharmaceutique peut continuer à engendrer des profits monstres financés par la Sécurité sociale, à l'instar de Sanofi qui a distribué 4 milliards d’euros de dividendes en 2020.

Alors que le nombre de malades atteints par la Covid-19 augmente, le système de santé, et plus particulièrement l'hôpital, n'a pas la capacité d'assurer pleinement ses missions par manque de moyens. En effet, le manque de personnels et par conséquent de lits ouverts ne permet pas d'assurer à la fois la prise en charge des patients habituels et ceux atteints par le Coronavirus.

Pour 2021, de nouveaux coûts ont été anticipés pour l’achat de vaccins ou encore de tests et de masques. L’estimation de l’ONDAM pour 2021 a été fixée à +3,5 % par rapport à l’ONDAM 2020 rectifié, le portant à 224,6 milliards d’euros. Cela sera nettement insuffisant pour faire face au coût de gestion de la crise sanitaire (4,3 milliards d’euros) et du financement des investissements et des revalorisations salariales (7,4 milliards). Cela entraînera inéluctablement de nouvelles fermetures de lits à cause du manque de personnels.

Le Ségur de la santé, qui occupe une part importante de ce PLFSS, n'a répondu ni aux attentes des retraités et des salariés ni aux besoins de la population. Si le gouvernement a été obligé de lâcher une augmentation de 183 € nets par mois, il n’en reste pas moins que cela ne répond qu’en partie aux revendications des hospitaliers en particulier en termes d’embauche massive de personnels. Aucun plan de recrutement ni de formation n’est prévu alors que 100 000 embauches sont nécessaires dans l’hôpital, 200 000 dans les EHPAD et 100 000 au niveau de l’aide à domicile. Le PLFSS acte ainsi une augmentation de certains salaires de 183 € par mois en plusieurs phases, ce qui est en deçà de la revendication des personnels, et loin de rattraper les années de rigueur salariale et encore moins la moyenne des salaires hospitaliers des pays européens. La première revendication des salariés qui était l'embauche massive des personnels ne trouve aucune réponse dans ce PLFSS. Au contraire, 3 400 lits ont été fermés en 2019 et les fermetures se poursuivent dans de nombreux hôpitaux malgré la crise.

Le PLFSS 2021 introduit une participation forfaitaire via le forfait patient urgence (FPU), qui remplace l’actuel ticket modérateur proportionnel pour les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation. Il sera pris en charge par les complémentaires santé et appliqué à un montant minoré pour les patients bénéficiant d’un régime d’exonération de ticket modérateur. Or, de nombreux soins réalisés aux urgences ne nécessitent pas d'hospitalisation, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas urgents et sérieux. Ce recours aux urgences témoigne et compense en premier lieu de la déficience de la permanence des soins. Le fait de faire payer les soins aux urgences risque d'encore aggraver la renonciation à des soins indispensables notamment des assurés les plus fragiles. Le Gouvernement doit renoncer à ce projet scandaleux.

Ainsi que le Gouvernement l'avait annoncé, le PLFSS engage la création d'une 5e branche dédiée à la perte d'autonomie, en individualisant les financements alloués à la CNSA.

Cela confirme nos craintes déjà exprimées. D'une part, aucun financement nouveau  n'est dégagé. On opère simplement un transfert de ressources provenant pour l'essentiel de la branche maladie et de la branche famille. D'autre part, le fait que ce financement repose à 90 % sur la CSG confirme la logique d'étatisation de cette 5e branche, dont la gestion sera également étatisée via la CNSA, et dont la « gouvernance » ne repose en rien sur la démocratie sociale qui fonde la gestion de la Sécurité sociale.

La perte d’autonomie (qui englobe le handicap) ne doit pas être séparée de la santé, ne doit pas être en dehors de la branche maladie. Le droit à l'autonomie doit être pris en charge au titre de la maladie dans le cadre de la Sécurité sociale avec un financement par la cotisation sociale.

Il est indispensable de développer les recettes de la Sécurité sociale en supprimant les 80 à 90 milliards d’euros d'exonérations et exemptions de cotisation sociale.

La vie, la santé, le bien-être ne sont pas des dettes. La protection sociale non plus, c’est juste ce qui nous permet une vie juste et solidaire, pour retrouver ensemble nos jours heureux.

Il faut en finir avec les lois de financement et autres conventions de gestion qui étranglent notre sécurité sociale. Les exonérations de cotisations sociales patronales (559 milliards d’euros depuis 1992) doivent cesser, de même que toutes les mesures visant à faire financer la Sécurité sociale par l’impôt, pénalisant très souvent les retraités.

La France a largement les moyens de mener une politique plus ambitieuse de protection sociale financée à 100 % par une Sécurité sociale intégrale intégrant la perte d’autonomie dans la branche maladie de la Sécu.

Il s’agit là d’un véritable choix de société qui passe aussi par une autre politique en matière d’emploi et de salaire s’opposant de fait à la financiarisation de l’économie.

Nous souhaitons nous entretenir de tous ces points avec vous avant le vote qui entérinera  cette future loi sur le financement de la Sécurité sociale pour 2021 et sollicitons une audience à cet effet.

Dans l’attente, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en nos sincères salutations.

Olivier Jouchter (UCR-CGT, 263 rue de Paris, 93515 Montreuil cedex)

Didier Hotte (UCR-FO, 141 avenue du Maine, 75680 Paris cedex 14)

Jacqueline Valli (UNAR-CFTC, 45 rue de la Procession, 75015 Paris)

Daniel Delabarre (UNIR CFE-CGC, 59 rue du Rocher, 75008 Paris)

Marylène Cahouet (FSU, 104 rue Romain Rolland, 93260 Les Lilas)

Gérard Gourguechon (UNIRS-Solidaires, 31 rue de la Grange aux Belles, 75010 Paris)

Marc Le Disert (FGR-FP, 20 rue Vignon, 75009 Paris)

Francisco Garcia (Ensemble & Solidaires - UNRPA, 47 bis rue Kléber, 93400 St Ouen)

Michel Deniault (LSR, 263 rue de Paris, 93515 Montreuil)