LE CANDIDAT MACRON S'ADRESSE AUX RETRAITES

LE CANDIDAT MACRON S'ADRESSE AUX RETRAITES

 

Paris, le 18 avril 2017

Mesdames et Messieurs, chers Compatriotes,

Votre génération a bâti la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Grâce à elle, l’Europe a conquis la paix et la France a su retrouver la prospérité. Vous avez participé aux avancées sociales majeures de notre époque. Votre génération a aussi la chance d’être la première génération à profiter de la révolution de la longévité. Une personne qui prend sa retraite aujourd’hui voit une troisième vie s’ouvrir à elle. Tant de choses à découvrir, à réaliser ! Mais pour que cette chance en soit réellement une, il ne suffit pas d’ajouter des années à la vie : il faut ajouter de la vie aux années.

C’est pourquoi je tenais à vous écrire, afin de vous présenter les orientations que je souhaite donner à mon quinquennat concernant votre vie à la retraite. Ces orientations sont pleinement cohérentes avec le projet économique que je porte, et qui permettra de garantir la pérennité de vos retraites. En effet, l’allongement de la vie est d’ores et déjà un formidable levier de création d’emplois et d’activité, notamment dans les services.

Je m’engage tout d’abord à protéger votre pouvoir d’achat et en redonner aux retraités les plus modestes.

J’exonérerai 80 % des Français du paiement de la taxe d’habitation. Les couples de retraités touchant jusqu'à 3 800 € de revenus nets ne paieront donc plus du tout cette taxe. Le manque à gagner pour les communes sera totalement compensé par l’Etat, conformément au principe d’autonomie fiscale des collectivités locales. Cela représentera un gain notable, en particulier pour les habitants des communes, souvent les moins prospères, où cette taxe est la plus lourde.

J’augmenterai le minimum vieillesse : de 800 euros aujourd’hui, il sera porté au-delà de 900 euros pour que celles et ceux qui sont dans une situation difficile puissent vivre dans la dignité.

Je veillerai à ce que les 40 % de retraités les plus modestes soient exonérés de l’augmentation de 1,7 points la Cotisation sociale généralisée. J’ai conscience que cette mesure, destinée à favoriser l’activité, supposera un effort de la part des retraités non exonérés mais cet effort sera juste et équilibré car, contrairement à d’autres, je n’augmenterai pas la TVA durant mon quinquennat. C’est une mesure qui renforcera en actes la solidarité intergénérationnelle car grâce à vous, nous redonnerons du pouvoir d’achat à vos enfants et à vos petits-enfants après une décennie au cours de laquelle il n’a que très peu augmenté.

Le deuxième grand axe de mon quinquennat sera celui de la réforme des retraites. Je tiens à vous en présenter l’essentiel.

La réforme que je propose ne modifiera en rien votre situation si vous êtes déjà à la retraite. Elle ne changera rien non plus pour les personnes qui prendront leur retraite dans les cinq années à venir. Il n’y aura en particulier pas de hausse de l’âge de la retraite, car celle-ci n’est pas nécessaire pour financer vos pensions.

Ce sera une réforme pour l’avenir, pour corriger les inégalités et lever les incompréhensions dont un grand nombre d’entre vous m’avez fait part. Elle reposera sur des principes d’équité, de justice et de clarté. Elle créera les mêmes règles pour tous : que l’on soit salarié, fonctionnaire, indépendant, un euro cotisé ouvrira les mêmes droits. Chacun aura un compte personnel de retraite, facilement consultable, sur lequel seront consignés tous les droits accumulés au cours de la vie, au titre des cotisations versées, mais aussi de la solidarité.

Une fois que cette réforme aura été mise en place, il sera possible à tout moment de savoir où l’on en est en termes de droits et de cotisations.

Cette réforme ne se traduira pas par une baisse des pensions. Les règles de calcul seront différentes, pour qu’il soit plus facile de changer de métier et de statut, et pour que les droits acquis au titre de la solidarité bénéficient à toutes et tous de la même manière.

Cette réforme sera votée au cours de la législature mais mise en œuvre graduellement sur une période d’environ dix ans. Son élaboration donnera lieu à une large concertation, et je rechercherai le consensus sur ses principes et ses modalités.

Enfin, je préserverai les fondamentaux de notre système, auxquels les Français sont attachés. En particulier l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans sera maintenu, ainsi que le fonctionnement par répartition.

Je m’engage par ailleurs à vous permettre de bien vivre et de bien vieillir, en bonne santé et en sécurité, en particulier lorsque vous avez perdu votre conjoint.

Autonomes et désireux de le rester, vous voulez pouvoir anticiper et préparer votre avancée dans l’âge :

– Je favoriserai le maintien à domicile, qui répond au désir de 90 % d’entre vous, afin de vous donner la possibilité de choisir l’endroit où vous allez vieillir. Pour cela, nous soutiendrons les services à domicile (ménagers, infirmiers), développerons l’hospitalisation à domicile et encouragerons l’accessibilité et l’adaptation des logements.

– Je soutiendrai les aidants d’un proche qui accompagnent les plus fragiles au quotidien. Je créerai pour eux un « chèque bilan santé/social ». De plus, je renforcerai le financement des périodes de répit pour les aidants, je développerai des espaces d’accueil dans les territoires et je demanderai à ce que l’on prenne mieux en compte leur situation spécifique dans le calcul de l’âge de départ à la retraite.

– J’améliorerai la qualité des services médico-sociaux en renforçant la formation des personnels et en systématisant les enquêtes de satisfaction.

En matière de santé, la prévention sera ma priorité, car pour vieillir en bonne santé il faut réduire les comportements à risque tout au long de la vie.

– Je créerai un service sanitaire de 3 mois, dans le cadre duquel tous les étudiants en santé auront pour mission de mener des actions de prévention et de dépistage, auprès de nos aînés notamment.

– J’ai fixé l’objectif d’une prise en charge de 100 % pour les soins essentiels, que sont les lunettes, les prothèses dentaires ou auditives.

Trop de nos concitoyens y renoncent parce qu’ils sont mal remboursés, or ce sont les premières causes de certaines pathologies touchant les seniors. Cette prise en charge sera financée par une baisse du coût des lunettes, des appareils auditifs et des prothèses dentaires, qui sont trop onéreux, au regard des prix pratiqués dans les pays voisins.

 – Je veux enfin lutter contre les déserts médicaux, car il est inacceptable qu’il soit impossible de trouver un médecin spécialiste ou généraliste dans certains endroits, et singulièrement dans nos campagnes. Dans ces zones insuffisamment dotées, je doublerai donc le nombre de maisons ou centres pluridisciplinaires.

Je répondrai par ailleurs à vos inquiétudes relatives à la montée de l’insécurité, notamment pour celles et ceux qui sont désormais seuls. Pour que les actes de délinquance cessent d’empoisonner la vie d’un quartier, d’un village ou d’un commerce, je pratiquerai la tolérance zéro. Sur la durée du quinquennat, 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires seront recrutés et une nouvelle police de sécurité quotidienne sera créée. Elle sera plus présente sur le terrain et disposera de nouveaux moyens de sanction pour punir les délinquants et faire cesser les actes d’incivilité.

Enfin, je m’engage à valoriser et renforcer votre rôle indispensable dans la société. Car vous êtes d’ores et déjà les artisans de notre cohésion sociale. Au sein des familles bien sûr mais aussi des associations, des communes. Je m’appuierai donc sur votre expérience et sur votre engagement pour bâtir une société plus bienveillante et plus unie. Parce que je crois à la solidarité intergénérationnelle, je l’encouragerai à travers diverses actions comme par exemple l’hébergement intergénérationnel. Car toutes les personnes, jeunes ou âgées, ayant vécu dans ces habitats partagés, que j’ai rencontrées étaient enchantées de cette expérience. Mais je compte aussi sur vous pour aider nos petits-enfants les plus en difficulté à l’école, c’est la raison pour laquelle votre bénévolat sera encouragé et valorisé.

Vous l’aurez compris : pouvoir d’achat, protection face aux risques et implication dans la vie sociale sont les trois piliers sur lesquels sera fondée la politique que je mènerai pour vous garantir une vie meilleure.

                                                                                           Emmanuel Macron


Monsieur le Président,
Les citoyens et citoyennes de ce pays viennent de se prononcer et de vous élire à la présidence de la République.
Au cours de la campagne qui a précédé, vous avez fait parvenir aux organisations de retraités, par courrier du 18 avril 2017, les orientations qui seraient celles de votre gouvernement concernant les retraites. Nous vous en remercions.
N’ayant pas souhaité interférer dans la campagne électorale, nous avons différé une réponse qu’il est maintenant utile de porter à votre connaissance.
Depuis 4 années, nos organisations mènent une campagne pour informer les pouvoirs publics, les médias et la population des attentes et préoccupations des retraité-e-s.
Comme vous le soulignez, la génération actuelle a (re)bâti la société dans laquelle nous vivons. Si elle a « participé aux avancées sociales », c’est aussi qu’elle a travaillé dur pour les obtenir et les financer par son travail : nulle gratification dans cet état de fait mais la contrepartie de l’effort fourni.
Pour nos organisations, cette contribution au redressement du pays en 1945 et après s’est concrétisée dans le socle social représenté par la Sécurité sociale et le système des retraites fondé sur la répartition à prestation définie. Chacun reçoit selon ses besoins, cotise selon ses moyens, ce qui permet l’acquisition de droits sans les cotisations correspondantes (maternité et éducation des enfants, précarité, réversion, etc.).
Nous sommes donc particulièrement attachés à la retraite par répartition à prestation définie et à la solidarité intergénérationnelle, répartition dont les conditions sont connues (taux de remplacement, années de cotisations, âge légal de départ à la retraite) pour faire en sorte que l’appartenance à une génération donnée n’empêche pas l’exercice de la solidarité des autres générations à son égard.
Nous ne voulons pas d’un système par répartition à cotisations définies (dit système à point) qui s’apparente au système suédois. Pour rappel, le 1er ministre suédois déclarait en février 2012 que les actifs devraient travailler jusqu’à 75 ans s’ils voulaient bénéficier du même niveau de retraite qu’en 2011.
Nous sommes également attachés à la reconnaissance de la place et du rôle des retraité-e-s dans la société actuelle. Pour nos organisations, il ne peut s’agir d’un simple appel d’ordre compassionnel, mais de la reconnaissance du statut social du retraité lié à son passé de salarié et du rôle social, familial et économique des 16 millions de retraités. Les retraités ont du temps libre, il est vrai. Mais un rapport du COR (13e rapport 2015) établissait que les retraités apportent, en temps, près de 40 % de l’aide apportée par l’ensemble de la population à d’autres ménages. Ils sont aussi très investis dans le mouvement associatif et politique, particulièrement au niveau municipal, dans le cadre de l’intérêt général de la Nation. Les retraités continuent ainsi de contribuer à la création de richesses « dont la valorisation économique pourrait représenter jusqu’à l’équivalent de 1,2 % du PIB », estime le COR.
Enfin, nos organisations sont très sensibles aux questions liées à la fin de vie et au maintien de l’autonomie et à la compensation de la perte de celle-ci. Que le choix d’un maintien à domicile ou de l’accueil en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) relève des personnes et de leur famille, nous ne le contestons pas : encore faut-il que ce choix puisse se faire librement, sans être dicté par des considérations purement économiques et budgétaires. Le fait que la partie « Établissements d’accueil » ait été retirée de la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement aura des conséquences dans l’avenir quand on sait qu’il nous faudra 540 000 places supplémentaires d’ici 2040 selon une étude du CREDOC.
Aussi, Monsieur le Président, souhaitons-nous évoquer quelques-unes de nos revendications, en les accompagnant de demande d’éclaircissements sur certains points de votre programme.
► Reconnaître la place des retraité-e-s c’est créer un lieu permettant le dialogue et la concertation avec les organisations syndicales de retraités.
► Nous rappelons que les retraites et pensions n’ont pas été réellement revalorisées depuis 4 ans et plus. Ceci questionne sur l’intention réelle des pouvoirs publics en matière de pouvoir d’achat des retraités.
Vos propositions entraineraient une baisse des pensions pour tous les salariés retraités et qui affecterait principalement les femmes puisque celles-ci cotisent moins que les hommes en raison des inégalités de salaires dont elles sont victimes durant leur carrière.
Diminuer le financement des retraites alors que les évolutions démographiques attestent d’une
augmentation du nombre de retraités, cela signifie sans ambiguïté la baisse des pensions.
Nous demandons, la revalorisation des pensions au 1er octobre 2017 et le retour au 1er janvier de chaque année ainsi que le rattrapage du pouvoir d’achat perdu.
► Les organismes officiels comme le COR et le Comité de suivi des retraites ont confirmé le caractère inéluctable de la baisse du pouvoir d’achat des retraités si rien n’est fait.
Nous demandons l’indexation des retraites et pensions sur l’augmentation du salaire annuel moyen et non plus sur l’inflation, ce qui a conduit à accélérer le décrochage du pouvoir d’achat des retraités.
► Monsieur le Président, nous souhaitons exprimer notre désaccord sur la proposition
consistant à augmenter, pour 60 % de retraités, de 1,7 point la CSG, qui est un impôt, pour compenser les baisses de cotisations salariales. C’est, si l’on comprend bien, en prenant dans la poche des retraités que l’on pourrait redonner du pouvoir d’achat aux actifs. C’est oublier que les personnes en retraite depuis plusieurs années ont subi une baisse des revenus, sous le double effet du gel des pensions et de l’augmentation de leur fiscalité spécifique.
Ajouter 1,7 % de contribution sociale généralisée aux 0,3 % de la CASA, à la suppression de la 1/2 part et à la fin de l’exonération des majorations familiales va faire bondir encore une fois la pression fiscale sur les retraités, à rebours de la promesse de protection de leur pouvoir d’achat. C’est ignorer que les retraités contribuent largement, quand ils le peuvent, aux dépenses de leurs enfants et petits-enfants et que les priver d’une partie de leur pension n’améliorera pas leur situation. C’est négliger aussi que la CSG, contrairement aux cotisations, n’ouvre aucun droit en contrepartie. Enfin, c’est négliger que cet impôt est largement supporté par les salarié-e-s, actifs ou non, sachant que depuis la mise en place de la CSG en 1991, la part de la cotisation dans le financement de la sécurité sociale est passée de 86,8 % à 67,3 % alors que la part de l’impôt incluant la CSG est passée de 4,9 % à 28,6 %. Et rappelons qu'en plus, au 1er janvier 2015, 400 000 retraités assujettis au taux réduit de 3,8 % de la CSG ont été alignés au taux de 6,6 % et pour ces retraités se rajouteront les 1,7 % de CSG.
La suppression partielle de la taxe d’habitation pour les couples percevant moins de 3 800€ mensuels ne nous paraît pas une bonne mesure, d’une part parce que la taxe reste profondément inégalitaire selon les communes et les quartiers d’habitation, d’autre part car elle risque de porter atteinte aux capacités des localités pour investir et développer les services publics. Nous préférons une juste taxe d’habitation basée sur la valeur locative actuelle (et non celle de 1970), tout en maintenant les exonérations actuelles.
S’agissant de l’aide à l’autonomie, nos organisations considèrent que les pouvoirs publics doivent permettre le libre choix pour les personnes et leur entourage. Actuellement, le manque de structures d’hébergement pour personnes âgées dépendantes est avéré, de même que l’insuffisance du financement du secteur et de la valorisation des professions médico-sociales. D’autre part, il est scandaleux de faire supporter aux familles le financement de la perte d’autonomie notamment par la vente du patrimoine lorsqu’il existe et de privilégier le recours à l’assurance privée individuelle.
Ceci limite donc sévèrement le choix de l’accueil institutionnel. Quant aux services à domicile, le financement laisse également à désirer du fait de la faiblesse de l’APA, alors même que le secteur est – vous le soulignez à juste titre – un réservoir potentiel d’emplois.
Nos organisations considèrent que l’aide à l’autonomie devrait être prise en charge par la Sécurité sociale, par une extension du domaine de l’assurance-maladie. Et elles revendiquent un nouveau modèle économique du secteur basé sur les principes du service public.
En matière de santé, pour les soins essentiels nous voulons que la prise en charge soit réalisée dans le cadre de la Sécurité Sociale. Nous craignons que « ces risques essentiels » ne soient pris en charge que par les mutuelles. De trop nombreux retraités sont dans l’impossibilité de se payer une mutuelle.
Voici, Monsieur le Président, nos premières réactions à la lecture de votre courrier du 18 avril. Nous sommes naturellement à votre disposition pour débattre plus en détail de la situation des retraités, en remarquant d’ailleurs, que le « R » du mot « retraité » a disparu du titre des institutions intéressées à notre situation : HCFEA au lieu du CNRPA, CDCA au lieu des CODERPA, … signe sans doute de l’importance qu’on ne prête plus à ceux qui représentent pourtant 25 % de la population.
En espérant que ces observations retiennent votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre haute considération.


François Thiéry-Cherrier (UCR-CGT, 263 rue de Paris, 93515 Montreuil cedex)
Didier Hotte (UCR-FO, 141 avenue du Maine, 75680 Paris cedex 14)
Jacqueline Valli (UNAR-CFTC, 128 avenue Jean Jaurès, 93697 Pantin cedex)
Daniel Delabarre (UNIR CFE-CGC, 59 rue du Rocher, 75008 Paris)
Marylène Cahouet (FSU, 104 rue Romain Rolland, 93260 Les Lilas)
Gérard Gourguechon (UNIRS-Solidaires, 144 boulevard de la Villette, 75019 Paris)
Michel Salingue (FGR-FP, 20 rue Vignon, 75009 Paris)
Francisco Garcia (Ensemble & Solidaires - UNRPA, 47 bis rue Kléber, 93400 St Ouen)
Jacques Sanchez (LSR, 263 rue de Paris, 93515 Montreuil