Pour revenir sur le terrain politique et sur le thème de l’indépendance, il est clair qu’il y avait un danger qui guettait FO dès sa naissance, à savoir sa dépendance à l’égard du parti socialiste (SFIO). Il aurait pu se faire en effet qu’à la fin des années cinquante, FO tombe sous la coupe de la SFIO, comme la CGT était sous la coupe du PCF, c'est-à-dire de Moscou, et la CFTC sous la coupe du MRP, c'est-à-dire du Vatican. Cela aurait été en un sens dans la malheureuse logique des choses.
Même s’il y a eu des ambigüités, d’inévitables compromissions, cela ne s’est pas réalisé. D’abord, et c’est l’essentiel, parce qu’il y avait la tradition de la Charte d’Amiens et de la vieille CGT, et cela comptait énormément, et notamment dans l’esprit des militants, à la base ou au sommet, qui ont fondé FO.
Deux autres facteurs ont compté. D’abord le Gaullisme, qui, installé au pouvoir, a annihilé la SFIO. Ensuite (mais c’est la suite logique) le congrès socialiste d’Épinay, en 1971, qui a mis fin à la SFIO, fondé le « PS », et a amené à la direction du PS « modernisé » des hommes de gauche n’ayant rien à voir avec la tradition Socialiste mais partagent plutôt les valeurs de la CFTC, devenue CFDT en 1964.
La fin des années soixante et les années soixante-dix vont accentuer encore l’indépendance et l’originalité de FO dans le « paysage » syndical Français et Européen.
- 1969 : FO appelle à voter « non » au référendum proposé par De Gaulle. Ce référendum avait un double objectif : la mise en œuvre de la régionalisation et la création d’un sénat corporatiste, associant dans une même chambre les représentants des « intérêts économiques », c'est-à-dire patronat et syndicats, comme c’était le cas dans la « Charte du travail » du régime de VICHY.
- 1972 : FO refuse d’entrer, comme le font la CGT et la CFDT, dans le cadre de l’Union de la Gauche, scellée autour du fameux « Programme commun ». Le syndicalisme ne saurait aliéner son indépendance dans la poursuite d’objectifs politiques.
- 1981 : FO n’entre pas au gouvernement, et refuse tout organe de liaison institué avec le gouvernement de gauche. FO maintient les revendications et refuse, en 1982, d’accepter l’austérité au nom des intérêts supérieurs de la gauche au pouvoir.
L’indépendance de FO est dès lors éclatante, autant que la compromission parallèle de la CGT, toujours soumise étroitement aux impératifs politiques du PCF, qui est alors au gouvernement, de la CFDT (dont les dirigeants peuplent les ministères) et la FEN (dont le dirigeant E. Henry est nommé « ministre du temps libre »…, faisant un mal incalculable aux enseignants). Après la victoire de la gauche en 1981, FO se présente comme un syndicat indépendant du pouvoir en dénonçant l’alignement de la CGT sur le PCF et celui de la CFDT sur la ligne des gouvernements socialistes.
- 1984 : Le syndicalisme enseignant à FO, jusqu’alors quasiment inexistant depuis 1948, se développe après le passage de militants venus de syndicats de la FEN qui appartiennent notamment à la tendance EE-FUO, réputée proche du parti des travailleurs, et dont le plus connu est Jean-Jacques MARIE.
- Lorsqu’André BERGERON se retire en 1989, son dauphin Claude PITOUS est battu par Marc BLONDEL qui devient le nouveau secrétaire général. Blondel engage FO sur une voie plus combative, marquée notamment par le conflit de 1995 contre le plan JUPPÉ et une symbolique poignée de main avec louis VIANNET, secrétaire général de la CGT.
A l’origine, au plan syndical, de la création de nombreuses structures de protection sociale collective (UNEDIC-Retraites complémentaires notamment), Force ouvrière, a toujours considéré que la pratique contractuelle était un outil important pour construire et développer des droits collectifs à tous les niveaux (interprofessionnel-branches d’activité-entreprises). En ce sens, elle revendique avoir toujours combattu le tout État comme le tout marché.
Son objectif est de défendre le service public et la sécurité sociale comme des structures assurant des droits égaux aux citoyens en cohérence avec les valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité, laïcité). Cela explique le combat mené en 1995 contre l’étatisation de la sécurité sociale ou les conflits avec le patronat sur la refondation sociale, qui était considéré comme la livraison au marché de toutes les structures collectives et solidaires.
FO perd, suite à ce conflit, la présidence de la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), après avoir déjà perdue celle de l’UNEDIC, dont hérite la CFDT. En 1998, un certain nombre de militants de Force Ouvrière, en désaccord avec la ligne radicale suivie par la confédération, décident de rejoindre l’UNSA sous la conduite, notamment, de Jacques MAIRE et Jean GROSSET, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint de l’union départementale de Paris.
- 2003 : FO s’engage contre la loi FILLON sur les retraites et en appelle à la grève générale, grève ignorée par le gouvernement et les médias de masse.
- 2004 : En février 2004, Jean-Claude MAILLY succède à Marc BLONDEL à la tête du syndicat.
En février 2004, Jean-Claude Mailly succède à Marc Blondel au poste de secrétaire général.
En 2008, FO n'est pas signataire du texte du 9 avril (appelé « position commune ») sur la représentativité syndicale. Ce texte, par son article 17, permet, selon la centrale, la dérogation du temps de travail et donc la remise en cause des 35 heures.
En 2010, FO formule des propositions pour réformer le système des retraites et participe aux cinq grandes journées de grèves et de manifestations. Le syndicat réclame une hausse des cotisations vieillesse et une taxation de nouveaux revenus du capital ; il propose notamment une taxe de 3 % sur les bénéfices non réinvestis et des cotisations sur l'intéressement, la participation et les stock-options. FO dénonce la plupart des mesures prises par le ministre du travail Eric Woerth dans la loi de réforme des retraites, demande le retrait du plan « Fillon-Sarkozy » et une négociation sur un nouveau plan intégrant les propositions et revendications des syndicats.
En février 2011, lors du XXIIe congrès confédéral qui se tient à Montpellier, Jean-Claude Mailly est reconduit à la tête de la Confédération.
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